Loi annotée par article - Article 22

Chapitre II

Les documents

Section IV — Le maintien de l'intégrité du document au cours de son cycle de vie

§2. La conservation du document

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Article 22

Le prestataire de services qui agit à titre d'intermédiaire pour offrir des services de conservation de documents technologiques sur un réseau de communication n'est pas responsable des activités accomplies par l'utilisateur du service au moyen des documents remisés par ce dernier ou à la demande de celui-ci.

Cependant, il peut engager sa responsabilité, notamment s'il a de fait connaissance que les documents conservés servent à la réalisation d'une activité à caractère illicite ou s'il a connaissance de circonstances qui la rendent apparente et qu'il n'agit pas promptement pour rendre l'accès aux documents impossible ou pour autrement empêcher la poursuite de cette activité.

De même, le prestataire qui agit à titre d'intermédiaire pour offrir des services de référence à des documents technologiques, dont un index, des hyperliens, des répertoires ou des outils de recherche, n'est pas responsable des activités accomplies au moyen de ces services. Toutefois, il peut engager sa responsabilité, notamment s'il a de fait connaissance que les services qu'il fournit servent à la réalisation d'une activité à caractère illicite et s'il ne cesse promptement de fournir ses services aux personnes qu'il sait être engagées dans cette activité.

Annotations

La responsabilité des prestataires de services est l'objet de règles spécifiques énoncées à l'article 22, pour la conservation et la référence à des documents, à l'article 26, pour la conservation, et aux articles 36 et 37 pour la transmission. L'article 27 vise les obligations incombant aux intermédiaires en ce qui a trait à la surveillance du contenu des documents qui sont conservés ou transportés sur un réseau de communication au moyen de leurs services.

Ces dispositions de la loi précisent les règles permettant de déterminer la responsabilité des intermédiaires techniques. Elles doivent évidemment se lire comme des compléments aux principes généraux de la responsabilité civile énoncés à l'article 1457 du Code civil du Québec  .

Ainsi, les premiers responsables demeurent les auteurs des diffusions ou transmissions fautives. Une personne qui diffuse en ligne un message portant atteinte à la vie privée d'une autre personne est responsable des dommages qui pourront découler d'un tel geste fautif. Cependant, la communication électronique présente des caractéristiques faisant en sorte que les poursuites contre l'auteur d'un message répréhensible peuvent se révéler illusoires ou inefficaces. Il peut en effet être difficile, voire impossible d'identifier l'auteur du message ou ce dernier peut être situé dans un pays lointain.

Ces facteurs expliquent que dans plusieurs situations, les victimes de diffusions dommageables ont mis en cause des intermédiaires qui participent à la transmission d'informations, de documents. On a soutenu qu'en raison de leur activité, les messages délictueux ont pu circuler et causer des dommages.

Par contre, la possibilité de mettre en cause les intermédiaires techniques lorsqu'un document délictueux a été transmis est source d'incertitude. Si leur responsabilité peut facilement être mise en cause, les intermédiaires pourraient êtres tentés, afin de se protéger, de censurer a priori les messages présentant des risques.

C'est pourquoi plusieurs pays ont mis en place des règles venant identifier plus précisément les circonstances dans lesquelles la responsabilité des intermédiaires peut être mise en cause.

Les articles 22, 26, 36 et 37 de la loi s'inscrivent dans ce courant. Elles instaurent un régime conditionnel d'exonération de responsabilité en faveur de certains intermédiaires techniques. Par conséquent, les prestataires de services impliqués dans la communication de documents sont, moyennant le respect de certaines conditions, exonérés de responsabilité pour les documents transmis.

L'article 22 précise la responsabilité incombant à deux catégories de prestataires de services agissant à titre d'intermédiaire. Il s'agit, au premier et au second alinéas, de celui qu'on appelle communément l'hébergeur, soit un intermédiaire qui offre des services de conservation de documents technologiques sur un réseau de communication, qu'il soit fermé, comme un intranet, ou ouvert, comme l'Internet.

Au troisième alinéa, il est traité de la responsabilité du prestataire qui agit à titre d'intermédiaire pour offrir des services de référence à des documents technologiques, dont un index, des hyperliens, des répertoires ou des outils de recherche. Il s'agit des services de moteur de recherche.

La responsabilité de l'hébergeur

On vise ici l'intermédiaire agissant pour offrir des services de conservation de documents technologiques sur un réseau de communication.

Le principe posé par l'article 22 veut que l'hébergeur ne soit pas responsable des activités accomplies par la personne utilisant le service au moyen des documents hébergés par l'usager ou à la demande de celui-ci.

Cette limitation de responsabilité ne joue pas si l'hébergeur a de fait connaissance que les documents conservés servent à la réalisation d'une activité à caractère illicite ou s'il a connaissance de circonstances qui la rendent apparente et qu'il n'agit pas promptement pour rendre l'accès aux documents impossible ou pour autrement empêcher la poursuite de cette activité.

La circonstance qui déclenche la possibilité d'engager la responsabilité de l'hébergeur est la connaissance de fait ou la connaissance de circonstances rendant apparente la réalisation d'une activité à caractère illicite.

On vise ici la réalisation de toute activité à caractère illicite et pas uniquement les activités illégales au sens strict. Les activités illégales sont celles qui sont contraires à la loi. Les activités illicites sont celles qui, sans être spécifiquement déclarées illégales par la loi, peuvent constituer une faute. Par exemple, révéler une information sur une personne n'est pas nécessairement illégal, mais cela peut être illicite puisque c'est un geste susceptible de constituer une atteinte à la vie privée, donc une faute au sens du Code civil.

À bien des égards, le prestataire de services d'hébergement ressemble au bibliothécaire. Il conserve des documents technologiques sur un réseau de communication. À l'instar du bibliothécaire, il ne contrôle pas le contenu des informations qu'il transmet ou met à la disposition du public ou de ses clients. Il serait en effet impensable que chaque distributeur (vendeur de journaux, librairie, bibliothèque) ait l'obligation de vérifier le contenu de chaque publication qu'il distribue dans le but de s'assurer qu'elles ne contiennent aucune information fautive, illicite ou dommageable.

En revanche, on reconnaît que le bibliothécaire a l'obligation de retirer les informations dont il a été informé du caractère délictueux. S'il ne le fait pas, il peut être tenu responsable des dommages qui en résultent.

La responsabilité de l'intermédiaire qui offre des services de moteur de recherche

L'intermédiaire qui offre des services de moteur de recherche est visé par « le prestataire qui agit à titre d'intermédiaire pour offrir des services de référence à des documents technologiques, dont un index, des hyperliens, des répertoires ou des outils de recherche ».

Le principe posé au dernier alinéa de l'article 22 est qu'il n'est pas responsable des activités accomplies au moyen de ces services.

Toutefois, il peut engager sa responsabilité, notamment s'il a de fait connaissance que les services qu'il fournit servent à la réalisation d'une activité à caractère illicite et s'il ne cesse promptement de fournir ses services aux personnes qu'il sait être engagées dans une telle activité.

Non-responsabilité de principe

La disposition pose la règle de la non-responsabilité de ces prestataires de services. Toutefois, cette limitation de responsabilité cesse d'avoir effet si certains faits sont établis.

Les faits donnant ouverture à la responsabilité des hébergeurs et de ceux offrant des services de moteur de recherche

Lorsqu'ils acquièrent connaissance du caractère illicite de l'activité associée aux documents qu'ils conservent ou auxquels ils donnent accès, les hébergeurs et ceux qui offrent des services de moteur de recherche ont l'obligation d'agir.

La connaissance de fait

La responsabilité de l'intermédiaire peut être engagée s'il est établi que ce dernier avait connaissance de fait du caractère illicite des activités accomplies par l'utilisateur du service au moyen de documents technologiques.

La connaissance pourra être imputée dans plusieurs circonstances. Premièrement, elle est présumée dès lors que l'information émane de la personne elle-même ou que cette dernière a effectivement pris la décision de diffuser. Ainsi, lorsque l'hébergeur conserve des documents qui émanent de lui, il sera réputé avoir connaissance de la teneur de ces derniers.

Deuxièmement, une personne peut avoir connaissance de fait si elle exerce une surveillance, constante ou occasionnelle, d'un site ou d'un environnement. Il n'y a pas d'obligation de surveiller afin d'acquérir connaissance aussitôt que se pointeront des documents illicites. Mais si une telle surveillance est effectuée et qu'elle permet d'acquérir la connaissance du caractère illicite de documents, alors la responsabilité de l'hébergeur pourra être engagée.

Enfin, troisièmement, la connaissance peut être acquise à la suite d'une information communiquée par tiers. C'est la situation où une personne porte à l'attention du prestataire de services de conservation le fait que des documents illicites sont conservés par lui.

Les points de vue peuvent diverger quant au degré de connaissance nécessaire pour entraîner la responsabilité du prestataire de services. Strowel et Ide remarquent que « toute la question est de savoir comment définir ce seuil de connaissance à partir duquel la responsabilité joue pleinement. » (Alain STROWEL et Nicolas IDE, « Responsabilités des intermédiaires : actualités législatives et jurisprudentielles », dans Droit & Nouvelles technologies,<http://www.droit-technologie.org/   >).

Dans certaines situations, lorsque le caractère illicite des activités est matière à controverse, l'obligation du prestataire d'agir ne commencera qu'à compter du moment où le caractère illicite est établi.

La connaissance de circonstances qui rendent apparente une activité illicite

La connaissance peut concerner les circonstances rendant apparente une activité illicite. Une telle connaissance peut découler d'indices venant à l'attention du prestataire et donnant à conclure à l'existence d'une activité illicite.

L'obligation d'agir promptement

Le prestataire doit intervenir d'une manière prompte, en peu de temps. L'obligation d'agir naît avec la connaissance : c'est à compter du moment où il acquiert connaissance que l'on évaluera si le prestataire a agi rapidement. Le caractère suffisamment prompt de l'action s'apprécie en fonction des circonstances, des moyens nécessaires et des efforts consentis afin de passer à l'action.

L'action du prestataire doit être menée pour rendre l'accès aux documents impossible ou pour autrement empêcher la poursuite de l'activité. Il doit prendre les moyens possibles, compte tenu des ressources dont il dispose et des circonstances dans lesquelles il agit. Il n'est pas responsable si les gestes nécessaires afin de corriger la situation sont posés promptement.

Le prestataire de services de moteur de recherche a l'obligation de cesser promptement de fournir ses services dès qu'il acquiert la connaissance du fait que des personnes sont engagées dans une activité illicite. L'ampleur de cette obligation d'agir promptement s'apprécie à la lumière des circonstances dans lesquelles agit le prestataire de services.

Lorsqu'ils agissent de manière à poser les gestes mentionnés une fois qu'ils ont acquis connaissance du caractère illicite des documents ou des activités, ces prestataires n'ont pas de responsabilité.

Voir aussi le sujet Responsabilité.

Glossaire : agir promptement

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