Chapitre II
Les documents
Section III — L'équivalence de documents servant aux mêmes fonctions
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Un document technologique peut remplir les fonctions d'un original. À cette fin, son intégrité doit être assurée et, lorsque l'une de ces fonctions est d'établir que le document :
est la source première d'une reproduction, les composantes du document source doivent être conservées de sorte qu'elles puissent servir de référence ultérieurement ;
présente un caractère unique, les composantes du document ou de son support sont structurées au moyen d'un procédé de traitement qui permet d'affirmer le caractère unique du document, notamment par l'inclusion d'une composante exclusive ou distinctive ou par l'exclusion de toute forme de reproduction du document ;
Pour l'application des paragraphes 2º et 3º du premier alinéa, les procédés de traitement doivent s'appuyer sur des normes ou standards techniques approuvés par un organisme reconnu visé à l'article 68.
L'article 12 ne constitue pas une définition de la notion d'original. Il en traite afin de déterminer comment ce concept se transpose dans l'univers des technologies de l'information. Cet article prévoit que les fonctions d'un original sur support papier peuvent être satisfaites par un document technologique à certaines conditions. Cette disposition assure l'équivalence fonctionnelle de la notion d'original.
Cette disposition permet de préciser les conditions à remplir pour qu'un document qui, par sa nature, ne doit comporter qu'un original (ou qu'un seul original) puisse être établi par un document technologique. Par exemple, un chèque établi par un document technologique doit comporter les caractéristiques mentionnées au paragraphe 2° de l'article 12.
De la même façon, un diplôme ou un permis n'ont souvent qu'un original. Dans le cas de certains actes officiels, il est parfois nécessaire d'identifier l'acte original et de le distinguer des copies.
La notion d'original est traditionnellement définie en regard d'un univers où les documents sont présentés sur papier. Cornu, dans son Vocabulaire juridique, enseigne que le mot « original » possède comme racine latine « orgininalis », signifiant « qui existe dès l'origine, primitif, originaire ». Il en donne la définition suivante :
« Titre original (ou originaire); écrit dressé en un ou plusieurs exemplaires, afin de constater un acte juridique, signé par les parties à l'acte (ou par leur représentant) à la différence d'une copie » (Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, 6e éd. Paris, Presses Universitaires de France, 1996, p. 581).
La notion d'original est donc essentiellement liée à l'univers du support papier. Elle est définie dans le Petit Robert comme la « rédaction primitive d'un document ». Le libellé de l'article 2860 du Code civil du Québec permet de conclure qu'un original est un écrit :
« 2860. L'acte juridique constaté dans un écrit ou le contenu d'un écrit doit être prouvé par la production de l'original ou d'une copie qui légalement en tient lieu. Toutefois, lorsqu'une partie ne peut, malgré sa bonne foi et sa diligence, produire l'original de l'écrit ou la copie qui légalement en tient lieu, la preuve peut en être faite par tous les moyens. »
Cet article 2860 est d'ailleurs modifié par l'article 80 de la présente loi, par l'ajout, à la fin, du paragraphe suivant :
« À l'égard d'un document technologique, la fonction d'original est remplie par un document qui répond aux exigences de l'article 12 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information et celle de copie qui en tient lieu, par la copie d'un document certifié qui satisfait aux exigences de l'article 16 de cette loi. »
L'original est un document qui a conservé son intégrité. Les raisons pour lesquelles les règles en matière de preuve exigent souvent la présentation d'un original découlent de cette caractéristique. L'original est un document considéré comme présentant de meilleures garanties de fiabilité.
Dans l'article 12 de la loi, on édicte les conditions nécessaires afin qu'un document technologique puisse remplir les fonctions équivalentes à celles qu'un original sur support papier est normalement appelé à remplir.
Les fonctions connues d'un original sont :
de constituer la source première d'une reproduction (p. ex. : le document original à partir duquel une photocopie est faite) ;
d'être unique, c'est-à-dire qu'il n'y en a qu'un et qu'un seul (p. ex. : l'original du chèque signé par une personne, un porte-monnaie électronique) ;
d'être la forme première du document fait par une personne (p. ex. : la partition originale d'une composition musicale, l'oeuvre originale d'un auteur, l'original d'un testament).
Pour qu'un document technologique puisse être l'équivalent fonctionnel d'un original, son intégrité doit en premier lieu être assurée.
De plus, si l'une des fonctions remplies par l'original est d'établir que le document :
est la source première d'une reproduction, alors il faut que les composantes du document source soient conservées de manière à ce qu'elles puissent servir de référence ultérieurement. L'article 72 complète ce paragraphe en étendant son application lorsque se retrouvent dans nos textes législatifs les termes « double », « duplicata », « exemplaire original » et « triplicata » et que le contexte indique que le document auquel ils réfèrent doit remplir la fonction d'original en tant que source première d'une reproduction;
présente un caractère unique (p. ex. : les instruments électroniques de paiement, effets négociables, chèques, titres d'emprunt, etc. Les effets négociables ont précisément pour caractéristique d'être en soi porteurs de valeur : un chèque peut en effet circuler d'un détenteur régulier à l'autre : c'est l'original qui porte la valeur, non la copie), alors les composantes du document ou de son support doivent être structurées au moyen d'un procédé de traitement qui permet d'affirmer le caractère unique du document, notamment par l'inclusion d'une composante exclusive ou distinctive ou par l'exclusion de toute forme de reproduction du document. Le procédé servant à réaliser ces documents doit s'appuyer sur des standards ou normes techniques approuvés par un organisme reconnu visé à l'article 68 ;
est la forme première d'un document relié à une personne (p. ex. : mise en ligne de productions artistiques, création d'oeuvres multimédias, signature électronique), alors les composantes du document ou de son support doivent être structurées au moyen d'un procédé de traitement qui permet à la fois d'affirmer le caractère unique du document, d'identifier la personne auquel le document est relié et de maintenir ce lien au cours de tout le cycle de vie du document. Ici aussi, le procédé de traitement doit s'appuyer sur des standards ou normes techniques approuvés par un organisme reconnu visé à l'article 68.
D'ailleurs l'article 14 rappelle qu'au plan de la forme, un ou plusieurs procédés peuvent être utilisés pour remplir les fonctions d'original et ces procédés doivent faire appel aux caractéristiques du support.
Voir aussi le sujet Équivalence fonctionnelle.